Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/288

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misérable ; les autres se flattaient qu’un emprisonnement de peu de durée expierait les péchés de leur vie entière. Il y en avait enfin qui, dirigées par des vues bien moins honorables, espéraient tirer une subsistance abondante et peut-être un profit considérable des aumônes que la charité des fidèles accordait aux prisonniers[1]. Lorsque l’Église eut triomphé de tous ses ennemis, l’intérêt et la vanité des chrétiens, qui avaient été persécutés, les engagèrent à exagérer le mérite de leurs souffrances respectives. Une distance commode de temps ou de lieu ouvrit un vaste champ à la fiction ; et la facilité qu’on avait à se tirer d’affaire en citant des exemples fréquens de saints martyrs dont les blessures avaient été guéries tout à coup, dont la force avait été renouvelée, et dont les membres perdus avaient été miraculeusement rétablis, suffirent pour lever toute difficulté et pour détruire toute objection. Les légendes les plus extravagantes, dès qu’elles contribuaient à l’honneur de l’Église, étaient reçues avec applaudissement par la multitude crédule, soutenues par le pouvoir du clergé, et attestées par le témoignage suspect de l’histoire ecclésiastique.

Nombre des martyrs.

Un orateur adroit sait exagérer ou adoucir si facilement des descriptions vagues d’emprisonnement et

  1. Saint Augustin, Collat. Carthag. Dei, III, c. 13 ; ap. Tillemont, Mém. ecclésiast., t. V, part. I, p. 46. La controverse avec les donatistes a jeté quelque jour sur l’histoire de l’Église d’Afrique, quoique peut-être de pareils éclaircissemens se ressentent de l’esprit de parti.