Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/289

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d’exil, de souffrances et de tourmens, que nous sommes naturellement portés à rechercher des traits plus marqués et qu’il soit plus difficile d’altérer. Il est donc à propos d’examiner le nombre des personnes qui périrent victimes des édits de Dioclétien, de ses associés et de ses successeurs. Les légendaires des temps moins reculés parlent de villes détruites, d’armées entières moissonnées à la fois par la rage aveugle de la persécution. Des écrivains plus anciens se contentent de répandre, sans ordre et avec profusion, des invectives pathétiques, et ne daignent pas fixer le nombre de ceux qui eurent le bonheur de sceller de leur sang la croyance de l’Évangile. Cependant l’histoire d’Eusèbe nous apprend qu’il n’y eut que neuf évêques punis de mort ; et l’on voit par son énumération particulière des martyrs de la Palestine, que quatre-vingt-douze chrétiens seulement[1] eurent droit à cette dénomination hono-

  1. Eusèbe, De mart. Palest., c. 13. Il termine sa narration en nous assurant que tel fut le nombre des martyres endurés en Palestine durant tout le cours de la persécution. Le cinquième chapitre de son huitième livre, qui traite de la province de Thébaïde, en Égypte, pourrait paraître contredire le calcul modéré que nous avons adopté ; mais il ne servira qu’à nous faire admirer les ménagemens adroits de l’historien. Choisissant pour la scène de la cruauté la plus inouïe le pays de tout l’empire le plus éloigné et le plus isolé, il rapporte que dans la Thébaïde il y eut souvent depuis dix jusqu’à cent personnes qui souffrirent le martyre le même jour ; mais lorsque ensuite il parle de son voyage en Égypte, son langage devient insensiblement plus circon-