Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/324

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fondation, l’objet de la plus sérieuse attention de son fondateur. Dans l’obscurité des temps postérieurs à la translation de l’empire, les suites soit prochaines, soit éloignées de cet événement mémorable, furent étrangement altérées et confondues par la vanité des Grecs et par la crédulité des Latins[1]. On assura et on crut que toutes les familles nobles de Rome, le sénat et l’ordre équestre, avec le nombre prodigieux de gens qui leur appartenaient, avaient suivi leur empereur sur les bords de la Propontide ; qu’il n’avait laissé à Rome, pour peupler la solitude de cette ancienne capitale, qu’une race bâtarde d’étrangers et de plébéiens, et que les terres d’Italie, depuis long-temps converties en jardins, se trouvèrent à la fois sans culture et sans habitans[2]. Dans le cours de cette histoire, de pareilles exagérations seront réduites à leur juste

  1. Luitprand, Legatio ad imp. Nicephorum, p. 153. Les Grecs modernes ont défiguré, d’une manière étrange, les antiquités de Constantinople. On peut excuser les erreurs des écrivains turcs ou arabes ; mais il est étonnant que les Grecs, pouvant étudier les monumens authentiques conservés dans leur langue, aient préféré la fiction à la vérité, et d’incertaines traditions aux témoignages de l’histoire. Une seule page de Codinus offre douze erreurs impardonnables, la réconciliation de Sévère et de Niger, le mariage de leurs enfans, le siége de Byzance par les Macédoniens, l’invasion des Gaulois, qui rappela Sévère à Rome ; les soixante ans qui s’écoulèrent de sa mort à la fondation de Constantinople, etc.
  2. Montesquieu, Grandeur et Décadence des Romains, c. 17.