Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/342

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un soin insultant la pureté de leur race[1], tenaient leurs cliens dans le plus humiliant vasselage. [Les plébéiens.]Mais ces distinctions, si incompatibles avec le génie d’un peuple libre, furent anéanties, après de longs débats, par les efforts constans des tribuns. Des plébéiens actifs et heureux acquirent des richesses, aspirèrent aux honneurs, méritèrent des triomphes, contractèrent des alliances, et devinrent, après quelques générations, aussi vains et aussi arrogans que les anciens nobles[2]. D’un autre côté, les premières familles patriciennes, dont le nombre ne fut jamais augmenté tant que subsista la république, s’éteignirent, ou par le cours ordinaire de la nature, ou par les ravages des guerres civiles et étrangères ; ou bien elles disparurent faute de mérite et de fortune, et

  1. La loi des Douze Tables défendait les mariages des patriciens et des plébéiens, et le cours uniforme de la nature humaine peut attester que l’usage survécut à la loi. Voyez dans Tite-Live (l. IV, 1-6) l’orgueil de famille soutenu par le consul, et les droits de l’humanité défendus par le tribun Canuleius.
  2. Voy. le tableau animé que trace Salluste (in Bello Jug.) de l’orgueil des nobles, et même du vertueux Metellus, qui ne pouvait se familiariser avec l’idée que les honneurs du consulat dussent être accordés au mérite obscur de Marius son lieutenant (c. 64). Deux cents ans auparavant, la race des Metellus eux-mêmes était confondue parmi les plébéiens de Rome, et l’étymologie de leur nom de Cæcilius donne lieu de croire que ces nobles hautains tiraient leur origine d’un vivandier.