Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/451

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un bouclier, selon l’ancienne coutume, et proclamé solennellement roi des Visigoths[1]. Armé de cette double autorité, et posté sur les limites des deux empires, il faisait alternativement payer ses trompeuses promesses aux cours des deux souverains[2] ; mais enfin, il déclara et exécuta l’audacieuse résolution d’envahir l’empire d’Occident. Les provinces d’Europe, qui appartenaient à l’empire d’Orient, étaient épuisées ; celles de l’Asie étaient inaccessibles, et Constantinople avait bravé tous ses efforts. La gloire, la beauté, la richesse de l’Italie, qu’il avait visitée deux fois, lui firent ambitionner cette conquête ; il se sentit flatté en secret de l’idée d’arborer l’étendard des Goths sur les murs de Rome, et d’enrichir son armée des dépouilles que trois cents triomphes y avaient rassemblées[3].

  1. Jornandès, c. 29, p. 651. L’historien des Goths ajoute, avec une énergie qui lui est peu ordinaire : Cum suis deliberans, suasit suo labore quærere regna, quàm alienis per otium subjacere.
  2. … Discors odiisque anceps civilibus orbis
    Non sua vis tutata diu, dum fœdera fallax
    Ludit, et alternæ perjuria venditat aulæ.

        Claud., de bell. getic., 565.

  3. Alpibus Italiæ ruptis penetrabis ad urbem. Cette prédiction authentique fut annoncée par Alaric ou au moins par Claudien (De bell. getico, 547) sept ans avant l’événement ; mais comme elle ne fut pas accomplie à l’époque qu’on avait imprudemment fixée, les traducteurs se sont sauvés à l’aide d’un sens ambigu.