Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/372

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voile, et rentra dans le port de Carthage après une heureuse navigation[1]. Les Barbares entraînèrent sur leurs vaisseaux des milliers de Romains des deux sexes, choisis parmi ceux dont on pouvait espérer de tirer quelque utilité ou quelque agrément ; et dans le partage des captifs, les maris furent impitoyablement séparés de leurs femmes, et les pères de leurs enfans. Ils ne trouvèrent d’appui et de consolation que dans la charité de Deogratias, évêque de Carthage[2]. Il vendit les vases d’or et d’argent de son église, racheta les uns, adoucit l’esclavage des autres, soigna les malades et fournit aux différens besoins d’une multitude dont la santé avait beaucoup souffert dans le passage d’Italie en Afrique. Le digne prélat convertit deux vastes églises en hôpitaux, y plaça commodément tous les malades, et se chargea de leur procurer en abondance la nourriture et les médicamens nécessaires à leur état. Deogratias, quoique d’un âge très-avancé, les visitait exactement le jour et la nuit. Son courage lui prêtait des forces, et sa tendre compassion ajoutait un

  1. Le vaisseau qui transportait les reliques du Capitole fut le seul qui fit naufrage. Si un payen fanatique eût parlé de cet accident, il aurait sans doute témoigné sa joie de ce que cette cargaison sacrilége avait été engloutie dans la mer.
  2. Voyez Victor Vitensis, De pers. Vandal., l. I, c. 8, p. 11, 12, édit. Ruinard. Deogratias n’occupa que trois ans le siège pontifical de Carthage ; et si l’on n’eût pris la précaution de l’enterrer secrètement, les habitans l’auraient dévotement mis en morceaux pour se partager ses reliques.