Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/159

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d’Italie en commun et avec une égale autorité. Il était aisé de prévoir les suites de cet arrangement. Après quelques jours consacrés, en apparence, aux plaisirs et à l’amitié, Odoacre fut poignardé au milieu d’un banquet solennel, par la main, ou du moins par l’ordre de son rival. On avait eu soin d’expédier à l’avance des ordres secrets : on égorgea partout, au même moment et presque sans résistance, les infidèles et avides mercenaires, et Théodoric fut proclamé roi par les Goths, avec le consentement tardif, involontaire et équivoque de l’empereur d’Orient. Pour justifier le meurtre d’Odoacre, on l’accusa, selon l’usage, d’avoir conspiré ; mais ce traité avantageux, que la force ne pouvait accorder avec le dessein d’en remplir les conditions, et que la faiblesse n’aurait osé enfreindre, prouve assez son innocence et le crime de son vainqueur[1]. La jalousie du pouvoir et les suites funestes de la discorde peuvent fournir une excuse plus convenable pour une action que l’on jugera peut-être avec moins de sévérité, si l’on songe qu’elle était nécessaire pour donner à l’Italie la félicité dont elle a joui durant tout le cours d’une génération. L’auteur de cette félicité a été audacieu-

  1. Procope (Gothic., l. I, c. 1) montre du doute et de l’impartialité sur ce fait, φασι… δολερω τροπω εκτεινε. Cassiodore (in Chron.) et Ennodius (p. 1604) se montrent crédules et sincères ; le témoignage du Fragment de Valois peut justifier leur opinion. Marcellin exhale le venin d’un sujet de l’empire grec. Perjuriis illectus, dit-il, interfectusque est, in Chron.