Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/261

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actions équivoques les motifs les plus odieux ; il confond l’erreur et le crime, le hasard et le dessein prémédité, les lois et les abus ; il présente avec adresse un moment d’injustice, comme la maxime générale d’un règne de trente-deux ans : il impute à l’empereur seul les fautes de ses officiers, les désordres de son siècle et la corruption de ses sujets ; enfin il attribue jusqu’aux fléaux de la nature, les pestes, les tremblemens de terre et les inondations au prince des démons, qui s’était méchamment revêtu de la figure de Justinien[1].

Funestes économies.

Après cet avertissement, je ferai connaître en peu de mots la cupidité et les rapines de Justinien sous différens rapports. 1o. Il était si prodigue, qu’il ne pouvait être libéral. Lorsqu’on admettait au service du palais les officiers civils et militaires, on leur accordait un rang peu élevé et une faible solde ; ils arrivaient par droit d’ancienneté à des places tranquilles et lucratives. Les pensions annuelles montaient à quatre cent mille livres sterl. ; Justinien en avait cependant supprimé les plus honorables, et ses courtisans avides ou indigens déplorèrent cette économie domestique comme le dernier outrage à la majesté de l’empire. Les postes, les salaires des médecins de l’empire, et les frais des lanternes dans les lieux qu’on éclairait la nuit, étaient des objets d’un intérêt plus général ; et les villes lui reprochèrent,

  1. Voyez les Anecdotes (c. 11-14, 18, 20-30) qui offrent un grand nombre de faits et un plus grand nombre de plaintes.