Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/339

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tère. Dans cette alternative, il aima mieux devenir le complice que la victime de Rosamonde[1], également incapable de crainte et de remords : elle attendait un moment favorable, et elle le trouva bientôt. Le roi, chargé de vin, sortit de table et alla sommeiller comme il avait coutume de le faire, après midi. L’infidèle épouse, paraissant s’occuper de la santé et du repos du prince, ordonna de fermer les portes du palais et d’éloigner les armes ; elle renvoya les gens de service, et après avoir endormi Alboin en lui prodiguant les plus tendres caresses, elle ouvrit la porte de la chambre où il était, et pressa les conspirateurs d’exécuter sur-le-champ une promesse qu’ils ne remplissaient qu’à regret. À la première alarme, le guerrier s’élança de son lit ; il voulut tirer son épée, mais Rosamonde avait eu soin de l’enchaîner au fourreau ; et une petite escabelle, la seule arme qu’il trouva sous sa main, ne put le défendre long-temps contre le glaive des meurtriers. La fille de Cunimund sourit à sa chute : on l’enterra sous l’escalier du palais, et long-temps après sa mort, la postérité des Lombards révéra le tombeau et la mémoire de leur chef victorieux.

  1. Le lecteur se rappellera l’histoire de la femme de Candaule et le meurtre de cet époux, qu’Hérodote raconte d’une manière si agréable au premier livre de son histoire. Le choix de Gygès, αιρεεται αυτος περιειναι, peut servir d’une sorte d’excuse à Pérédée ; et ce moyen d’adoucir une idée odieuse a été suivi par les meilleurs écrivains de l’antiquité. (Grævius, ad Ciceron. Orat. pro Milone, c. 10.)