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aujourd’hui de certaines nécessités ou convenances qui contraignaient alors l’artiste, décidaient de son choix, par exemple lors des jeux olympiques — convenances qui contraignaient sans doute aussi Michel-Ange à peindre, dans le plafond de la Sixtine, non des femmes, mais des adolescents nus, par respect pour la sainteté du lieu, et précisément pour n’éveiller point nos désirs. Au demeurant, quand on tiendrait, avec Rousseau, l’art pour responsable en partie, de la singulière corruption des mœurs grecques…

— Ou florentines. Car il est remarquable que toute grande renaissance ou exubérance artistique s’est toujours, et dans quelque pays que ce soit, accompagnée d’un grand débordement d’uranisme.

— D’un débordement de toutes les passions devriez-vous dire.

— Et le jour où l’on s’aviserait d’écrire une histoire de l’uranisme dans ses rapports avec les arts plastiques, ce n’est pas aux périodes de décadence qu’on le verrait s’épanouir, mais bien au contraire aux époques glorieuses et saines, aux époques précisément où l’art est le plus spontané et le moins près de l’artifice. Par contre il me paraît que, non point toujours, mais souvent, l’exaltation de la femme dans les arts plastiques est l’indice de la décadence, tout de même que nous voyons, chez les différents peuples où la coutume voulait que les rôles féminins, au théâtre, fussent tenus par des adolescents, la décadence de l’art dramatique commencer du jour où ces adolescents cèdent la place aux femmes.

— Vous confondez à plaisir cause et effet. La décadence a commencé du jour où le noble art