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— Vous prononcez si mal que j’ai peine à comprendre. Traduisez aussitôt, je vous prie.

Gœthe nous exposa comme quoi cette aberration venait proprement de ceci que, d’après la pure règle esthétique, le corps de l’homme était plus beau de beaucoup, et plus parfait, et plus accompli que le corps de la femme.

— Voilà qui n’a rien à voir avec ce que vous me citiez de Barrès, repris-je impatiemment.

— Attendez un instant ; nous parvenons au carrefour : Un pareil sentiment, une fois éveillé, oblique aisément vers le bestial. La pédérastie est vieille comme l’humanité même (Die Knabenliebe sei so alt wie die Menschheit, und man könne daher sagen, sie liege in der Natur) et l’on peut donc dire qu’elle est naturelle, qu’elle repose sur la nature (ob sie gleich gegen die Natur sei) encore qu’elle aille à l’encontre de la nature. Ce que la nature a gagné, a remporté sur la nature, qu’on ne le laisse plus échapper ; qu’à aucun prix on ne s’en dessaisisse.Was die Kultur der Natur abgewonnen habe, werde man nicht wieder fahren lassen ; es um keinen Preis aufgeben.

— Possible que les mœurs homosexuelles se soient acclimatées dans la race germanique assez profondément pour paraître, à certains Allemands, naturelles (les récents scandales d’outre-Rhin nous invitent à le supposer), mais, pour les cerveaux bien français, cette théorie de Gœthe restera, craignez-le, parfaitement ahurissante.

— Puisqu’il vous plaît de faire intervenir l’ethnique, laissez-moi vous lire ces quelques lignes de Diodore de Sicile[1], un des premiers

  1. Livre V, 32.