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l’adultère, que la française ; sans parler de toutes les demi-vierges et de toutes les demi-putains. Cet exutoire que proposait la Grèce, qui vous indigne et qui lui paraissait naturel, vous voulez le supprimer. Alors, faites des saints ; sinon le désir de l’homme va détourner l’épouse, souiller la jeune fille… La jeune fille grecque était élevée non point tant en vue de l’amour, que de la maternité. Le désir de l’homme, nous l’avons vu, s’adressait ailleurs ; car rien ne paraissait plus nécessaire à l’État, ni mériter plus le respect, que la tranquille pureté du gynécée.

— De sorte que, selon vous, c’est pour sauver la femme que l’on sacrifiait l’enfant.

— Vous me permettrez d’examiner tout à l’heure s’il y avait là sacrifice du tout. Mais je voudrais, incidemment, répondre à une spécieuse objection ; cela me tient à cœur :

Pierre Louÿs reproche à Sparte de n’avoir su produire aucun artiste ; il y retrouve une occasion de s’élever contre une trop austère vertu, qui, dit-il, n’a su former que des guerriers ; et encore se sont-ils fait battre. La grandeur et la gloire de Sparte sont bien peu de chose pour quiconque n’est pas un admirateur aveugle de l’antiquité ; — écrivait M. de Laboulaye en note de Montesquieu — de ce couvent de soldats, est-il sorti autre chose que la destruction et la ruine ? Qu’est-ce que la civilisation doit à ces barbares[1] ?

— Oui, je me souviens du grief ; d’autres s’en sont saisis.

— Mais je ne sais s’il est très juste.

  1. Esprit des lois, IV, chap. 6, p. 154. Ed. Garnier.