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avaient livrés, soit aux Grecs, soit aux barbares, on ne se rappelait point que jamais ils eussent été vaincus par des ennemis inférieurs en nombre ou même en nombre égal (comme ils venaient de l’être à Tégyre, dans le combat dont Plutarque vient de nous faire le récit)… Ce combat est le premier qui ait appris à tous les peuples de la Grèce que ce n’était pas seulement sur les bords de l’Eurotas, qu’il pouvait naître des hommes vaillants et belliqueux, mais chez tous les peuples où la jeunesse rougit de ce qui est honteux, montre son audace dans les actions honorables et craint plus le blâme que le péril, là aussi sont les hommes les plus redoutables à leurs ennemis.

— Eh bien ! je ne le lui fais point dire : « les peuples où la jeunesse rougit de ce qui est honteux et craint plus le blâme que le péril… »

— J’ai peur que vous ne vous mépreniez, reprit Corydon gravement, et que, de ce passage, au contraire, il ne faille précisément induire que l’homosexualité n’était point blâmée. Tout ce qui suit le dit assez. Il reprit sa lecture :

— Le bataillon sacré des Thébains fut organisé, dit-on, par Gorgidas, et composé de trois cents hommes d’élite. L’État fournissait aux frais de leurs exercices et de leur entretien… Quelques-uns prétendent que ce corps se composait d’amants et d’aimés, et l’on cite, à ce sujet, un mot plaisant de Pammenis : « Il faut ranger l’amant près de l’aimé, car un bataillon formé d’hommes amoureux les uns des autres, il serait impossible de le dissiper et le rompre, parce que ceux qui le composent affronteraient tous les dangers, les uns par attachement pour les objets de leur amour, les autres par crainte