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vous a plu de rendre à ma bonne foi dans cette affaire. Il m’est infiniment doux de constater que les liens qui m’unissent à votre personne depuis de nombreuses années n’ont été nullement desserrés par nos divergences sur un seul objet, fort important, il est vrai, mais qui, mis à part, laisse encore une si grande place à l’entente des esprits et des cœurs.

Maintenant, permettez que j’entre dans le procès avec la liberté qui est une des règles et l’un des charmes de nos amicales relations.

1. Vous m’imputez à erreur d’avoir avancé que vous n’auriez pris que sur le tard la détermination d’écrire vos mémoires. Vous abrégez sous cette forme et mettez entre guillemets une phrase qui, dans mon texte, est plus longue, mais qui, je le reconnais, prête à équivoque. La voici : « L’auteur de Si le grain ne meurt… n’a écrit, croyons-nous, cet ouvrage que dans l’intention délibérée de nous avouer ou plutôt de proclamer hautement les particularités de son instinct ; mais il n’a pris cette détermination que sur le tard. » Dans ma pensée, ce n’est pas le fait d’avoir écrit vos mémoires que je considérais comme le résultat d’une détermination tardive, mais le fait d’avoir porté vous-même à la connaissance du public certains passages de ces mémoires. Vous me dites que vous avez pris également dès le principe la détermination de publier ces mémoires de votre vivant. Je ne mets point en doute votre parole. Mais il demeure acquis que, la détermination une fois prise (dès avant 1900 selon vous), vous avez ajourné pendant plus de vingt ans d’y donner suite. Même hésitation, ou même ajournement délibéré, quand il s’agit du Corydon. Écrire, d’une part