Page:Gide - Corydon, 1925.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55

IV

Le premier résultat, dans les espèces inférieures, le résultat fatal, c’est que, si la femelle (comme il advient, avons-nous dit, chez les cirripèdes par exemple) ne se laisse pas habiter par plusieurs mâles à la fois (et encore n’en héberge-t-elle qu’un tantième dérisoirement insuffisant, et n’en épouse-t-elle qu’un seul) — le résultat nécessaire c’est que voici un nombre considérable de mâles qui ne connaîtront pas l’amour… normal, à qui le coït est interdit ; nombre considérablement plus grand que celui des mâles qui pourront « normalement » se satisfaire.

— Passons vite aux espèces chez qui la proportion des mâles diminue.

— Chez ceux-ci la puissance procréatrice augmente, et le problème, au lieu de se poser à la masse, se propose à l’individu. Mais le problème reste le même : surabondance de matière procréatrice ; plus de semence, infiniment plus de semence que de champ à ensemencer.

— Je crains que vous ne fassiez tout bonnement le jeu des néo-malthusiens : les mâles copuleront plusieurs fois avec la même femelle ; plusieurs mâles avec une femelle…

— Mais la femelle, d’ordinaire, aussitôt après la fécondation se tient coite.

— Je vois que vous parlez des animaux.

— Dans les espèces domestiques la solution est simple : on garde un étalon par troupeau, un coq par poulailler, et le reste des mâles on le