Page:Gide - Corydon, 1925.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67

où je passe les mois d’automne en chasseur, j’ai vu des chiens, venus du village voisin distant de plus d’un kilomètre, passer la nuit entière à ma barrière, aboyant amoureusement ma chienne…

— Cela doit bien gêner votre sommeil.

— Heureusement que cela ne dure qu’un temps.

— Tiens ! Pourquoi ?

— Ma chienne, Dieu merci, ne reste pas longtemps en chaleur.

Je regrettai aussitôt ma phrase, car il prit en l’entendant un air narquois qui me fit peur. Mais je m’étais trop avancé pour ne pas continuer à répondre lorsqu’il continua :

— Cet état dure… ?

— La semaine environ.

— Et la prend ?

— Deux fois par an, trois fois peut-être…

— Et en dehors de ces époques ?

— Corydon, vous m’impatientez ! Que voulez-vous me faire dire ?

— Qu’en autre temps les chiens laissent la chienne tranquille, ce que vous savez tout comme moi. Qu’en dehors de l’époque des règles, il n’est pas possible de faire couvrir une chienne par un chien (ce qui n’est déjà pas si facile en temps propice, soit dit en courant) — d’abord parce que la chienne s’y refuse, ensuite parce que le mâle n’en éprouve nullement le désir[1].

  1. « Ici, comme toujours, chez les animaux, l’accouplement n’a lieu que quand les femelles sont en rut. Autrement elles ne souffrent pas l’approche du mâle. »
    Samson,
    Zootechnie (Lutte des ovidés). II, p. 181.