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Il n’y a pas, à proprement parler, élection de la femelle par le mâle ; dès qu’elle entre en odeur, celui-ci est rué vers elle et mené par le bout du nez. Lester Ward, dans un passage que je ne vous ai point lu, insiste beaucoup sur ce fait que « toutes les femelles furent semblables pour l’animal mâle » et, en réalité, elles sont toutes semblables, avons-nous vu, le mâle étant seul capable de variation et d’individualisation. La femelle pour l’attirer n’a pas d’autres ressources que son parfum ; elle n’a pas besoin d’autre attrait ; elle n’a pas à être belle ; il suffit qu’elle soit de bonne odeur. Le choix — si tant est que le choix ne soit pas la simple victoire du plus apte — le choix reste le privilège de la femelle ; qu’elle choisisse selon son goût, et nous touchons à l’esthétique. C’est par conséquent, insiste Ward encore, la femelle qui dispose de la sélection, qui crée ce qu’il appelle « l’efflorescence du mâle ». Je ne chercherai pas pour le moment si cette suprématie de beauté que, grâce au bon goût de la femelle peut-être, conserve l’individu mâle chez la plupart des insectes, des oiseaux, des poissons et des mammifères, il convient de la retrouver dans l’espèce humaine.

— Depuis longtemps je vous attendais là.

— Provisoirement, et par impatience, remarquons tout d’abord ceci : le rossignol mâle n’est pas beaucoup plus coloré que sa femelle ; mais celle-ci ne chante pas. L’efflorescence du mâle n’est pas nécessairement vénusté ; elle est luxe ; et ce peut être dans le chant, dans quelque sport, ou dans l’intelligence enfin qu’elle apparaît.

Mais permettez que je respecte ici l’ordre de