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dant des époques, non soumis à l’ovulation. La femme désirée est désirable en tous temps. Disons plus : tandis que l’animal n’appète la femelle, et qui ne se laisse approcher par le mâle, que durant la période de ses chaleurs, au contraire, au moment des règles, l’homme, d’ordinaire s’abstient. Non seulement celles-ci ne comportent plus d’attirance, mais entraînent une sorte de prohibition ; peu me chaut, pour l’instant, qu’elle soit ou physique ou morale, qu’il y faille voir dégoût momentané de la chair, survivance d’antiques prescriptions religieuses, ou désapprobation de l’esprit — toujours est-il que, dès ici, l’homme se sépare, et nettement, de l’animal.

Désormais l’appétit sexuel, tout en restant impérieux, n’est plus attaché de si court ; les nerfs olfactifs jusqu’alors le tenaient en laisse ; il prend du champ. Cette première libération va bientôt en permettre d’autres. L’amour (et je répugne à employer déjà ce mot, mais il faut bien pourtant que j’y arrive), l’amour aussitôt tourne au jeu — un jeu qui va se jouer hors des règles.

— Ce qui ne veut point dire, j’espère, que chacun soit absolument libre de le jouer comme il lui plaît.

— Non, car le désir n’en sera pas moins impérieux ; mais du moins en sera-t-il plus divers ; l’impératif, pour être autant catégorique, deviendra plus particulier ; oui, particulier à chacun. De plus l’individu n’appètera plus indistinctement la femelle, mais telle femme particulièrement.

Les affections des animaux diffèrent des affections des hommes autant que leur nature diffère