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de l’humaine, dit Spinoza ; et plus loin, parlant plus spécialement de l’humanité : La volupté de l’un se sépare naturellement de la volupté de l’autre autant que la nature de l’un diffère de la nature de l’autreadeo gaudium unius a gaudio alterius tantum natura discrepat, quantum essentia unius ab essentia alterius differt.

— Après Montaigne et Pascal, Spinoza ; vous savez choisir vos parrains. Interprété par vous, ce « gaudium unius » ne me dit rien qui vaille ; « j’ai grand-peur », comme disait Pascal… Continuez.

Il sourit un instant, puis reprit :

II

— Attrait constant, d’une part ; d’autre part : sélection opérée non plus par la femelle en faveur du mâle, mais par l’homme en faveur de la femme… N’aurions-nous pas ici la clef, ou la justification pour mieux dire, de cette inexplicable précellence de la vénusté féminine… ?

— Qu’entendez-vous par là ?

— Que, du bas en haut de l’échelle animale, nous avons dû constater, dans tous les couples animaux, l’éclatante suprématie de la beauté masculine (dont j’ai tenté de vous offrir le motif) ; qu’il est assez déconcertant de voir le couple humain, tout à coup, renverser cette hiérarchie ; que les raisons que l’on a pu fournir de ce subit retournement demeurent ou mystiques ou impertinentes — au point que cer-