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tains sceptiques se sont demandé si la beauté de la femme ne résidait pas principalement dans le désir de l’homme et si…

Je ne lui laissai pas achever. Je m’attendais si peu à lui voir apporter un argument à la thèse du sens commun, que d’abord je ne saisissais point sa pensée ; mais m’en emparant aussitôt, je ne voulus plus lui laisser le temps de s’en dédire et m’écriai :

— Vous nous tirez d’un mauvais pas, et je vous en remercie. Je comprends à présent que cet « attrait constant » de la femme commence où précisément finit l’autre ; et sans doute n’est-il pas de médiocre importance en effet que l’homme suspende sa concupiscence, non plus à l’odorat, mais au sens plus artiste, moins subjectif, de la vue ; voici qui sans doute va permettre une culture et le développement des arts…

Puis, me laissant aller à cette confiance que m’inspire irrésistiblement la première manifestation du bons sens :

— Il est assez piquant de devoir à un uraniste le premier argument sensé en faveur de la « prééminente vénusté du beau sexe » comme vous dites ; mais j’avoue que jusqu’à présent je n’en avais pu trouver d’autre, sinon dans mon propre sentiment. Je vais donc pouvoir relire à présent sans gêne certains passages du discours de M. Perrier à l’Académie, que vous me prêtâtes hier…

— À quels passages faites-vous allusion ?

Sortant de ma poche la brochure, je lus : À voir chatoyer aux rayons d’un soleil d’été, ou sous les girandoles d’une salle de bal, les caressantes couleurs des robes de fête (description)…