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élevés, pourvu qu’ils soient susceptibles d’une certaine activité.

— C’est là le passage qui vous gênait ? Puis-je vous demander pourquoi ?… car il me paraît, au contraire, de nature à devoir vous plaire…

— Ne faites donc pas l’innocent ! Comme s’il vous échappait que Perrier, sous couleur de louer le beau sexe, n’en loue que le revêtement[1].

— Oui ; ce que j’appelais tout à l’heure « l’attrait postiche ».

— Le mot me paraissait malhonnête ; mais je vois ce que vous vouliez dire. Et j’en venais à penser qu’il était peu adroit au savant de tant insister sur ce point ; car enfin, de dire à une femme : vous avez là un bien charmant chapeau, n’est pas aussi flatteur que de lui dire : vous êtes belle.

— Aussi lui dit-on de préférence : comme ce chapeau vous va bien ! Mais n’est-ce que cela qui vous gêne ? Je crois me souvenir que, vers la fin de son discours, Perrier, laissant de côté la parure, sait louer à son tour la personne qui la revêt ; passez-moi le discours… Tenez : Vous y aurez gagné, Mesdames, l’éclat de votre teint,

  1. D’une naïveté semblable ces quelques lignes d’Addison que je cueille dans le Spectator (no 265). « It is observed among birds, that nature has lavished all her ornaments upon the male, who very often appears in a most beautiful head dress : whether it be a crest, a comb, a tuft of feathers, or a natural little plume, erected like a kind of pinnacle on the very top of the head. As nature, on the contrary, has poured out her charms in the greatest abundance on the female part of our species, so they are very assiduous in bestowing upon themselves the finest garniture of art. The peacock in all his pride does not display half the colours that appear in the garment of a British Lady, when she is dressed either for a ball or a birthday… ». Ou faut-il voir là de l’ironie ?