Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/53

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faveur ; parce qu’aussi tous les conseils m’importunaient ; puis, je ne pensais pas que ces « Conseils aux tuberculeux », « Cure pratique de la tuberculose », pussent s’appliquer à mon cas. Je ne me croyais pas tuberculeux. Volontiers j’attribuais ma première hémoptysie à une cause différente ; ou plutôt, à vrai dire, je ne l’attribuais à rien, évitais d’y penser, n’y pensais guère, et me jugeais, sinon guéri, du moins près de l’être… Je lus la lettre ; je dévorai le livre, les traités. Brusquement, avec une évidence effarante, il m’apparut que je ne m’étais pas soigné comme il fallait. Jusqu’alors je m’étais laissé vivre, me fiant au plus vague espoir ; — brusquement ma vie m’apparut attaquée, attaquée atrocement à son centre. Un ennemi nombreux, actif, vivait en moi. Je l’écoutai : je l’épiai ; je le sentis. Je ne le vaincrais pas sans lutte… et j’ajoutais à demi-voix, comme pour mieux m’en convaincre moi-même : c’est une affaire de volonté.

Je me mis en état d’hostilité.