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la porte étroite

amour pour Alissa m’enfonça délibérément dans ce sens. Ce fut une subite illumination intérieure à la faveur de laquelle je pris conscience de moi-même : je m’apparus replié, mal éclos, plein d’attente, assez peu soucieux d’autrui, médiocrement entreprenant, et ne rêvant d’autres victoires que celles qu’on obtient sur soi-même. J’aimais l’étude ; parmi les jeux, ne m’éprenais que pour ceux qui demandent ou recueillement ou effort. Avec les camarades de mon âge, je frayais peu et ne me prêtais à leurs amusements que par affection ou complaisance. Je me liai pourtant avec Abel Vautier, qui, l’an suivant, vint me rejoindre à Paris, dans ma classe. C’était un garçon gracieux, indolent, pour qui je me sentais plus d’affection que d’estime, mais avec qui du moins je pouvais parler du Havre et de Fongueusemare vers où revolait sans cesse ma pensée.

Quant à mon cousin Robert Bucolin qu’on avait mis pensionnaire au même lycée que