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la porte étroite

— Il a dit, après, qu’il fallait beaucoup d’autres choses.

— Mais toi, qu’est-ce que tu avais répondu ?

Elle devint tout à coup très grave :

— Quand il a parlé de soutien dans la vie, j’ai répondu que tu avais ta mère.

— Oh ! Alissa, tu sais bien que je ne l’aurai pas toujours… Et puis ce n’est pas la même chose…

Elle baissa le front :

— C’est aussi ce qu’il m’a répondu.

Je lui pris la main en tremblant.

— Tout ce que je serai plus tard, c’est pour toi que je le veux être.

— Mais, Jérôme, moi aussi je peux te quitter.

Mon âme entrait dans mes paroles :

— Moi, je ne te quitterai jamais.

Elle haussa un peu les épaules :

— N’es-tu pas assez fort pour marcher seul ? C’est tout seul que chacun de nous doit gagner Dieu.