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la porte étroite

paroles. Pourtant je ne compris toute leur gravité que plus tard.


L’été fuyait. Déjà la plupart des champs étaient vides, où la vue plus inespérément s’étendait. La veille, non : l’avant-veille de mon départ, au soir, je descendais avec Juliette vers le bosquet du bas-jardin.

— Qu’est-ce que tu récitais hier à Alissa ? me dit-elle.

— Quand donc ?

— Sur le banc de la marnière, quand nous vous avions laissés derrière nous…

— Ah !… quelques vers de Baudelaire, je crois ?…

— Lesquels ? Tu ne veux pas me le dire.

Bientôt nous plongerons sous les froides ténèbres,

commençai-je d’assez mauvaise grâce ; mais elle, m’interrompant aussitôt, continua d’une voix tremblante et changée :