Page:Gide - Le Journal des Faux-monnayeurs 1926.djvu/65

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rait pas demandé mieux que de causer, et déplorai de n’avoir su l’'interroger plus tôt. Mais un porteur vint avec un fauteuil roulant dans lequel on pose la malade; et la tante s'éloigne en me remerciant. Edouard pourrait la retrouver plus tard et reconstituer le passé.

Faire dire à Edouard, peut-être : L'ennui, voyez-vous, c’est d’avoir à conditionner ses personnages. Ils vivent en moi d’une manière puissante, et je dirais même volontiers qu'ils vivent à mes dépens. Je sais comment ils pensent, com- ment ils parlent; je distingue la plus subtile intonation de leur voix; je sais qu’il y a tels actes qu’ils doivent commettre, tels autres qui leur sont interdits. mais, dès qu'il faut les vêtir, fixer leur rang dans l'échelle sociale, leur carrière, le chiffre de leurs revenus ; dès surtout qu'il