Page:Gide - Philoctète, 1899.djvu/74

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déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer.


Il n’y a plus de berge ni de source ; plus de métamorphose et plus de fleur mirée ; — rien que le seul Narcisse, donc, qu’un Narcisse rêveur et s’isolant sur des grisailles. En la monotonie inutile de l’heure il s’inquiète, et son cœur incertain s’interroge. Il veut connaître enfin quelle forme a son âme ; elle doit être, il sent, excessivement adorable, s’il en juge par ses grands frémissements ; mais son visage ! son image ! Ah ! ne pas savoir si l’on s’aime… ne pas connaître sa beauté ! Je me confonds, dans ce paysage sans lignes, qui ne contrarie pas ses plans. Ah ! ne pas pouvoir se voir ! Un miroir ! un miroir ! un miroir ! un miroir !

Et Narcisse, qui ne doute pas que sa forme ne soit quelque part, se lève et part à la recherche