Page:Gide - Philoctète, 1899.djvu/79

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effort leur nombre ; où chaque chose était ce qu’elle paraissait ; car prouver était inutile.

Éden ! où les brises chanteuses ondulaient en courbes prévues ; où le ciel étalait l’azur sur la pelouse symétrique ; où les oiseaux étaient couleur du temps et les papillons sur les fleurs faisaient des harmonies providentielles ; où les roses étaient roses parce que les cétoines étaient vertes, qui venaient c’est pourquoi s’y poser. Tout était parfait comme un nombre et se scandait normalement ; un accord émanait du rapport des lignes ; sur le jardin planait une uniforme symphonie.

Au centre de l’Éden, Ygdrasil, l’arbre logarithmique, plongeait dans le sol ses racines de vie, et promenait sur la pelouse autour, l’ombre épaisse de son feuillage, où s’éployait la seule Nuit. Dans l’ombre, contre son tronc, s’appuyait le livre du Mystère — où se lisait la vérité qu’il faut connaître. Et le vent, en souf-