Page:Gide - Philoctète, 1899.djvu/85

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Le Paradis est toujours à refaire ; il n’est point en quelque lointaine Thulé. Il demeure sous l’apparence. Chaque chose détient, virtuelle, l’intime harmonie de son être, comme chaque sel, en lui, l’archétype de son cristal ; – et vienne un temps de nuit tacite, où les eaux plus denses descendent : dans les abîmes imperturbés fleuriront les trémies secrètes…

Tout s’efforce vers sa forme perdue ; elle transparaît, mais salie, gauchie, et qui ne se satisfait pas, car toujours elle recommence ; pressée, gênée par les formes voisines qui s’efforcent aussi chacune de paraître, – car, être ne suffit plus : il faut que l’on se prouve, – et l’orgueil infatue chacune. L’heure qui passe bouleverse tout.

Comme le temps ne fuit que par la fuite des choses, chaque chose s’accroche et se crispe pour alentir un peu cette course et pouvoir apparaître mieux. Il est des époques alors,