Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à augmenter. Comme on peut le penser, l’école socialiste répond par l’affirmative ; elle considère comme un fait démontré « que les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ». L’école optimiste au contraire le nie et démontre par les statistiques, notamment celles de l’Angleterre, que le nombre des pauvres tend à diminuer[1]. Les statistiques en cette matière n’ont que peu de valeur, rien n’étant plus élastique que l’indigence.

En ce qui concerne la première catégorie d’indigents, il semble que les progrès de l’hygiène et de la science devraient réduire le nombre de ceux qui sont atteints d’infirmités incurables ou du moins mettre certains d’entre eux, par exemple les aveugles et les sourds-muets, en mesure de se livrer à des travaux productifs. Mais d’autre part certaines causes, et notamment l’alcoolisme, tendent à accroître dans une proportion effrayante le nombre des aliénés[2]. Les naissances des enfants naturels, qui créent une pépinière de paupérisme, tendent aussi à augmenter[3].

En ce qui concerne la seconde catégorie, il semble que les progrès de l’éducation publique, le sentiment grandissant de la dignité humaine et les mœurs plus sédentaires de la vie civilisée, devraient faire disparaître progressivement ces habitudes de paresse, de vagabondage et de maraude, qui tenaient une si grande place dans les sociétés du moyen âge ou celles de l’antiquité, ou encore aujourd’hui dans les pays d’Orient. Et pourtant cette espérance ne paraît pas confirmée par les faits. Le nombre des vagabonds et des mendiants est énorme

  1. Le nombre des assistés en Angleterre — après avoir progressé d’une façon inquiétante et avoir dépassé 1 million en 1871 — est resté depuis lors stationnaire, quoique le chiffre de la population ait augmenté de plus d’un tiers. Mais cette diminution s’explique peut-être moins par une diminution du paupérisme que par une plus grande sévérité dans la distribution des secours (Voy. La loi des pauvres et la société anglaise, par M. E. Chevallier).
  2. Il y a 50 ans, on comptait en France 12.000 aliénés : aujourd’hui, près de 60.000 ! Voy. pour l’alcoolisme, ci-après à la Consommation.
  3. Il naît, tous les ans en France, de 70.000 à 80.000 enfants naturels ! soit environ 1 enfant naturel contre 10 légitimes et la proportion, malheureusement, augmente chaque année.