Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/517

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3° de durer éternellement ;

on s’expliquera facilement que la valeur de la terre ou de ses produits aille grandissant avec le temps — du moins dans une société progressive — et que presque toutes les formes du progrès économique et social concourent à l’élever.

L’accroissement de la population est la principale, cause qui agit sur elle[1] puisque naturellement plus il y a d’hommes et plus il faut demander à la terre d’aliments pour les nourrir et de place pour les loger : mais l’augmentation générale de la richesse, l’établissement de routes et de chemins de fer, la formation des grandes villes, même le développement de l’ordre et de la sécurité, ont pour inévitable effet d’accroître cette plus-value de : la terre que les économistes anglais désignent par le terme très expressif d’unearned increment (plus-value non gagnée)[2].

  1. H. George a même soutenu (Voy. ci-après, p. 531) que la valeur de toute terre était en raison directe du nombre d’hommes qu’elle porte. On a calculé que chaque immigrant augmentait de 400 dollars environ (2.000 fr.) la valeur du territoire des États-Unis. Comme depuis le commencement du siècle, il est débarqué plus de 13 millions d’émigrants, ce serait donc, rien que par le fait de leur présence, une plus-value de 26 milliards de fr. dont ils auraient doté le sot américain. — Il y a donc beaucoup d’ingratitude et quelque imprévoyance de la part des Américains à accumuler aujourd’hui tant d’obstacles à l’immigration !
  2. Naturellement c’est dans les pays neufs, par exemple aux États-Unis, que la plus-value du sol se manifeste de la façon la plus frappante, parce que c’est là aussi que les diverses causes que nous avons signalées dans le texte agissent avec le plus d’intensité. C’est elle qui a créé les fortunes fabuleuses de la plupart des milliardaires américains et c’est elle qui a donné tant de crédit aux théories d’Henri George sur la nationalisation du sol.
    Dans les pays vieux où ces causes agissent avec moins d’énergie et où l’accroissement de la population est très ralenti, comme en France par exemple, la plus-value du sol est naturellement moins sensible. Cependant il résulte des enquêtes agricoles faites en 1851 et 1882 que d’une de ces dates à l’autre, en trente ans seulement par conséquent, la valeur du sol s’était élevée de 60 milliards à 91 milliards. Il est vrai que la dernière statistique de 1892 a constaté une diminution notable qui varie de 12 à 17 % pour cette période décennale. Cette chute est due aux causes indiquées dans le texte à la page suivante.
    En Angleterre, la rente des terres était évaluée à 500 millions en 1800. En 1880, on l’évaluait à 1.500 millions. Elle avait donc triplé. Et précisément dans le même laps de temps, la population de l’Angleterre (l’Écosse et l’Irlande non comprises) avait triplé également (8.890.000 en 1801,