dans les colonies, il restait encore il y a un demi-siècle un domaine public, mais qui se réduit rapidement par les concessions démesurées et à vil prix consenties par ces États — et qui, croyons-nous, aurait pu conserver sans inconvénients le caractère de propriété nationale si ces concessions n’avaient été faites qu’à titre temporaire. Par là ces États se seraient ménagés de précieuses ressources pour l’avenir et qui auraient facilité peut-être aux générations futures la solution de la question sociale[1]. Seulement il se trouve que c’est justement là où il serait le plus facile de prévenir les abus de la propriété foncière, qu’on en sent le moins le besoin ! En effet la propriété foncière, quand on la considère dans un pays neuf et à l’état naissant, telle par exemple qu’on peut la voir encore dans les pampas de la République Argentine ou dans l’Australie, n’a que des avantages et point d’inconvénients. Comme d’une part, elle ne porte que sur les terres qui ont été défrichées et ne s’étend que dans la mesure même ou s’étend la culture, elle apparaît comme consacrée par le travail. Comme, d’autre part, elle n’occupe encore qu’une petite partie du sol et que la terre est en quantité surabondante, elle ne constitue en aucune façon un monopole et reste soumise comme toute autre entreprise à la loi de la concurrence.
C’est seulement à mesure que la société se développe et que la population devient plus dense, qu’on voit le caractère de la propriété foncière commencer à changer et prendre peu à peu les allures d’un monopole qui va grandissant indéfiniment, — mais alors il est trop tard pour la racheter.
- ↑ C’est ce qu’a fait le gouvernement hollandais dans ses vastes possessions colonies. Il n’a pas vendu les terres, mais les a concédées pour des périodes de 75 ans environ. En Australie, une ligue s’était constituée pour faire adopter le même système, mais elle n’a pu aboutir. La Nouvelle-Zélande a tenu à affirmer, au moins d’une façon platonique, le principe de la propriété nationale en les concédant pour 999 ans ! — Le gouvernement de Madagascar ne concédait les terres que pour 90 ans. Mais au lieu de consacrer ou au moins d’expérimenter cette législation, nous allons imposer à cette société africaine la propriété romaine !
Même dans les pays vieux, ce système pourrait recevoir une application en ce qui touche les concessions de mines. La propriété des mines est très distincte, économiquement et juridiquement, de la propriété foncière.