Page:Gilbert - Le Dix-huitième Siècle, 1776.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Que des Mœurs, parmi nous, la perte étoit certaine ;
» Que les beaux-Arts couroient vers leur chûte prochaine ?
» Par-tout, même en Russie, on vante nos Auteurs :
» Comme l’humanité règne dans tous les cœurs !
» Vous ne lisez donc pas le Mercure de France ?
» Il cite au moins, par mois, un trait de bienfaisance ».
Ainsi le grand Patos, ce Poète penseur,
De la Philosophie obligeant défenseur,
Conseille par pitié mon aveugle ignorance,
De nos Arts, de nos Mœurs garantit l’excellence ;
Et de son Plein Savoir, si je réplique un mot,
Pour prouver que j’ai tort, il me déclare un sot.
Mais de ces Sages vains confondons l’imposture ;
De leur Règne fameux retraçons la peinture ;
Et que mes vers, enfans d’une noble candeur,
Eclairent les Français fur leur fausse grandeur.
Eh ! quel temps fut jamais en vices plus fertile ;
Quel siècle d’ignorance, en beaux faits plus stérile,
Que cet âge nommé Siècle de la Raison ?
Tout un monde sophiste, en style de sermon,
De longs écrits moraux nous ennuye avec zèle ;
Et l’on prêche les mœurs, jusques dans la Pucelle ;
Je le fais : mais, Ami, nos modestes ayeux
Parloient moins des vertus & les cultivoient mieux :
Quels Demi-dieux enfin nos jours ont-ils vu naître ?
Ces Français si vantés, peux-tu les reconnaître ?