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AVÈNEMENT DU ROMAN FEUILLETON

dans ce stock de fantaisies que les grands-maîtres du genre avaient semées à profusion dans les moindres épisodes. Des poncifs se créèrent, des lieux-communs, « des ficelles ».

Le roman-feuilleton affecta généralement d’amusantes prétentions historiques. On croyait tracer un vivant tableau des âges écoulés : on n’en donnait qu’une ébauche chimérique où des masques conventionnels remplaçaient les vrais visages.

Les causes criminelles, la pathologie médicale furent exploitées à leur tour. On assista à l’apothéose du « roman de cour d’assises » et les Mémoires de Vidocq, ou ceux d’autres policiers renommés, firent prime.

Il était inutile de chercher dans ces œuvres les apparences même de style qu’avaient gardées les initiateurs du genre. La vérité de l’observation en était aussi absente que la mesure et la pondération. Ces longues odyssées, à queues interminables, qui enfiévraient les veilles des grisettes et s’adaptaient à l’intelligence courte des petits bourgeois, faussaient le goût sans que rien de durable en subsistât pour l’art. Peut-être, toutefois, ont-ils contribué à développer les « genres spéciaux ». Eugène Sue, le feuilletoniste le plus fameux, créa le roman maritime que cultivèrent à sa suite Romieu, Jal, de Lansac, Corbière, Louis Reybaud, de la Landelle, et qui compte aujourd’hui parmi ses fidèles M. Pierre Maël[1]. Nous verrons, plus

  1. Mer bleue, Mer sauvage, le Pilleur d’épaves, etc.