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AVÈNEMENT DU ROMAN FEUILLETON

le peintre attitré des « pécheresses », Charles Mérouvel, Ernest Daudet, J. Maiy, Pierre Sales, Matthey (Arthur Arnould), H. Berthoud, H. Demesse, Sirven, de Gaslyne, Tony Révillon etc. Nous classerons en un rang spécial MM. Gabriel Ferry, Gustave Aimard et de la Landelle.

Insoucieux de morale, Frédéric Soulié eut le don de nouer une intrigue et de la mouvementer. Il parvint aussi à piquer vivement la curiosité et à captiver l’intérêt. Il ne négligea point l’étude des caractères, et même, dans les premiers temps, on le vit soigner son style. Ce qui le perdit, ce fut l’excès de sève dramatique qu’il avait dans l’imagination, les négligences inséparables d’une improvisation forcenée, son défaut d’équilibre et de proportion. Il se jeta, corps perdu, dans l’horrible, le criminel, l’effroyable et le mystérieux : ces violences, ces couleurs atroces, choisies de parti-pris, ces extravagances d’imbroglios qui bouleversent les sens au lieu de frapper l’intelligence, sont à relever surtout dans le Vicomte de Beziers, les Mémoires du Diable, les Deux Cadavres, etc. Ajoutons que Soulié, qui entrevit des conceptions plus hautes, écrivit un assez joli roman sentimental : le Lion amoureux.

Au même ordre d’idées, à la même catégorie d’inventions terrifiantes et tapageuses appartiennent les livres de Ponson du Terrail, dont la vogue eut quelque chose de stupéfiant.Le drame sombre domine aussi chez lui à un degré peu croyable. Tragédies de cour d’assises, romans de cape et d’épée, bâtis avec audace et sans respect de la vraisemblance, se succédèrent sous sa plume. Rocambole, le plus connu de ses récits, est d’une pauvreté de style égale à l’impossibilité de l’idée.