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AVÈNEMENT DU ROMAN FEUILLETON

Paul Féval[1] nous apparaît bien supérieur. Dans ce charmant esprit, dans ce lettré à l’âme haute, il faut distinguer deux manières : celle qu’accusent ses romans bretons, délicats, spirituels, patriotiques, pleins de poésie et d’intimité : le Drame de la jeunesse, la Fée des grèves, les Contes de Bretagne, etc. ; ensuite, celle qui se manifeste dans de « grandes machines feuilletonesques » : Jean Diable, les Compagnons du Silence, les Mystères de Londres, les Amours de Paris, etc. On y perçoit l’homme de métier mais aussi l’artiste. Il sut observer et décrire les mœurs, pénétrer même dans le cœur humain. Son imagination était puissante. Que ne parvint-il à la borner ! Il abuse en effet de l’épisode, complique les événements et les enchevêtre avec une fougue débridée. Par contre, sa tendance au merveilleux, jointe à la poésie foncière de sa nature, à la finesse mêlée d’humour de son esprit, lui permet de dessiner des croquis pleins de vie et de relief. Quelquefois ses « comiques » sont lourds et rabâcheurs. Son style rapide et coloré est souvent emphatique et déclamatoire. Comme caractère, Féval s’est honoré encore par sa « conversion » qui lui fit, vers le milieu de sa carrière, défendre ouvertement la religion et la morale chrétiennes.

Dans la voie du roman de « cape et d’épée » — où il est fils de Dumas — il avait également suivi Roger de Beauvoir, l’auteur de l’Écolier de Cluny (1832).

Tout différent est A. Assollant qui, hanté par les succès d’Ed. About, eut le tort de viser à l’esprit même au

  1. P. Féval commença d’écrire vers 1841.