Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/38

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J’évoquais tes Noëls perdus… Mais la rafale
S’engouffrant dans la nef, éteignit mon flambeau.
La nuit m’enveloppa d’horreur près du tombeau,
Et l’aile de la Mort effleura mon front pâle.

« Dongne don ! dogne don ! » gémit l’airain plus bas
Dans l’épouvantement des profondes ténèbres.
Un frisson glacial parcourut mes vertèbres,
Car j’avais reconnu le rythme lent du glas.

Comment suis-je sorti vivant de cette tombe ?
Je ne sais quels esprits m’ont entraîné dehors,
Mais après tant de jours écoulés depuis lors,
Le tintement fatal dans ma mémoire tombe !

Le souffle furibond de l’ouragan s’accrut,
La plainte résonna, plus lugubre et plus longue :
Dongue ! dongue-dongdon ! daïngne ! don ! dôgne-dongue !
Puis l’ouragan fit trêve et la cloche se tut.

L’âme de Nelligan m’a prêté son génie
Pour clamer : Qui soupire ici des désespoirs ?
Cloche des âges morts sonnant à timbres noirs,
Dis-moi quelle douleur vibre en ton harmonie !

Un affreux tourbillon fit rugir la forêt
Et les flots fracassés sur la rive écumante ;
Alors je crus entendre, au sein de la tourmente,
Une voix tristement humaine qui criait :

— Je suis l’âme qui pleure au pied de la montagne…
Le roi du fleuve noir… le vieillard du passé…