Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

merveilles. Mais ce qu’il y a de curieux, c’est que le premier soin du clergé avait été de faire faire le portrait du faux saint. « Les églises n’y suffisaient plus, ajoute un vieil auteur : si bien que l’on mettait sa crapuleuse image sur les murs et les portes d’une foule de villes, de maisons et de villages. » De tous côtés, on le voit, sous le manteau de la sainteté, la vie ne cesse d’entrer dans l’art[1].

À Sainte-Croix de Florence, dans la chapelle des Bardi, Giotto, ayant peint une dernière fois l’histoire du Père Séraphique, a représenté les figures de ses quatre plus grands disciples, deux femmes : sainte Claire et sainte Élisabeth — deux saints : Louis, roi de France et Louis de Toulouse, évêque.

Pourquoi saint Louis à cette place ? On connaît l’admirable histoire des Fioretti « comment le roi de France, en habit de pèlerin, vint à Pérouse faire visite à frère

  1. Ce caractère d’intimité, de familiarité, qui est celui de la peinture de « genre », ressort davantage encore de certaines œuvres siennoises. Telles sont les scènes de la Vie de sainte Humilité (Rosana de’ Caccianemici da Faenza), la fondatrice du couvent de Vallombreuse, près de Florence. Elle mourut en 1310, et sa Vie par Pietro Lorenzetti est de 1316. L’œuvre est aujourd’hui partagée entre les Offices et Berlin. Voir également, à Sienne, à S. Agostino, la Vie de S. Agostino Novello attribuée à Lippo Memmi.

    Chez les Mendiants proprement dits, cet afflux de vies contemporaines qui vient injecter, rajeunir l’art de peindre, ne s’observerait nulle part mieux qu’au couvent dominicain de saint Nicolas de Trévise, le couvent du pape Benoît XI (Marchese, Memorie, t. I, p. 147). Il y a là, dans la salle capitulaire, une des œuvres les plus importantes de l’école des Prêcheurs. Commencée en 1352, par les ordres de Fra Vazzola, elle est donc contemporaine de la chapelle des Espagnols, et ne lui cède guère en intérêt. Thomas de Modène y a peint toutes les gloires de l’Ordre : sa grande trinité, saint Dominique, saint Thomas et saint Pierre Martyr, les papes et les cardinaux dominicains, écrivains, orateurs, docteurs, théologiens, Albert le Grand, Jourdain de Saxe, Raymond de Peynafort et Vincent de Beauvais, au nombre de quarante portraits, écrivant, méditant, priant, avec leurs escabeaux, leurs pupitres, leurs livres, et déjà quelque chose de cette intimité qui fait le prix des Saint Jérôme de Carpaccio ou de Dürer. — Cf. Julius von Schlosser, Tommaso da Modena und die ältere Malerei in Tréviso (Jahrb. der Kunsthist. Sammlungen der allerhöchsten Kaiserhauses, XIX, Vienne, 1898) ; Bertoni et Vicini, Tommaso da Modena pittore modenese del secolo XIV (Atti e memorie della Dep. di storia patria di Modena, Modène, 1903).