Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/125

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Egide ». Les deux saints s’agenouillent et se tiennent embrassés, puis se quittent, toujours en silence, ayant lu au cœur l’un de l’autre. Symbole de l’union des âmes ! Touchante image de la sympathie ! Mais ce n’est qu’une fable. Louis IX n’est jamais allé en Italie, rien ne prouve qu’il ait ceint le cordon du tertiaire. On l’aura confondu avec un autre saint Louis, un prince de sa famille, fils de Robert d’Anjou, roi de Naples et de Jérusalem, jeune moine phtisique mort à vingt-et-un ans, après avoir démissionné d’un évêché et de deux royaumes. Pâle figure de lévite consumée comme une cire, que l’art italien adopta de bonne heure et se plut à peindre lasse et belle, appuyée sur sa crosse pastorale, ses deux couronnes dédaignées gisant à ses pieds nus, pareille à un jeune lys précoce dont la tête penche épuisée par un parfum trop lourd[1].

Grâce à cette confusion heureuse, le roi Louis est aussi une figure populaire de l’art italien. Un peintre a illustré sa vie au réfectoire de Santa-Croce. Mais c’est chez nous qu’elle donna lieu aux œuvres les plus curieuses. À Paris, sur un retable de la Sainte-Chapelle et dans des fresques chez les Cordelières de Lourcines, se trouvait peinte son histoire. Des dessins de Peiresc[2] nous en ont conservé l’image. Le preux y disparaît. Le chevalier s’efface. Le héros de Joinville, si brave dans les batailles, si courtois avec tous, le juge populaire du chêne de Vincennes, tout cela s’évanouit. On ne voit que le saint, un frère lai, un croisé, vaincu, prisonnier, glorifié dans ses épreuves et ses humiliations. Toutes les valeurs sont renversées : le roi soigne des malades, lave les pieds

  1. Cf. Emile Bertaux, Les saint Louis dans l’art italien. Études d’histoire et d’art, Paris, 1911.
  2. Bibliothèque de Carpentras. Cf. A. Longnon, Documents parisiens sur l’iconographie de saint Louis, Paris, 1882.