Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/196

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du livre saint en comporte deux différentes : l’une représente le fait historique, et la seconde en donne l’application morale. Deux ou trois lignes de texte commentent chaque vignette. Soit le verset de la Genèse sur la séparation de la lumière et des ténèbres. Traduction morale : la séparation des bons et des mauvais anges. Un exemplaire postérieur explique plus librement : le jour est le bien, la nuit est le mal. — Les reptiles sont les hommes attachés à la terre, les oiseaux sont les détachés et les contemplatifs ; les poissons, dont les petits sont mangés par les grands, sont l’image des puissants du monde. — La Bible devient ainsi un immense rébus non dénué d’enfantillage. Le corbeau et la colombe de l’arche représentent l’âme noircie d’abord par le péché, et rentrant en grâce dans l’Église après la pénitence. Cela suppose que la colombe est le corbeau — blanchi ! Qu’eût pensé saint Thomas de cette interprétation ? Mais c’en est assez pour faire voir comment la pure morale, dans un ouvrage dominicain, a vite remplacé la substance, la moelle théologiques[1].


    où régnait Valentine de Milan. Ces compositions exquises n’ont jamais été surpassées. L’exemplaire portant le numéro suivant (franç. 167), et qui provient de Jean sans Peur, est à peine moins parfait. Voir encore les Heures de Rohan (B. N. lat. 9471) exécutées vers 1390. Cf. Mâle, loc cit., p. 240 et suiv.

  1. Rien de plus significatif, à cet égard, que la Somme le Roi, ou manuel de théologie morale, composé par ce frère Laurens, dont j’ai déjà parlé plus haut. Cf. édit. de Lausanne (1845), au tome IV des Mémoires et documents publiés par la Société d’hist. de la Suisse romande. Le succès de l’ouvrage est attesté par le nombre des manuscrits : une trentaine à la Bibliothèque Nationale. Echard mentionne le magnifique exemplaire qui appartenait de son temps à celle des Cordeliers. Le livre se compose des huit traités suivants : 1° Le Péché ; 2° Le Credo ; 3° Les dix commandements ; 4° La Mort ; 5° Le Pater ; 6° La Grâce ; 7° Les vertus des religieux ; 8° La Chasteté.

    La quatrième et la cinquième partie (De la science de bien mourir ; les Péticions de la Patenostre) seraient à rapprocher de l’Ars moriendi et de l’Exposition du Pater, livres à images si populaires au xve siècle (Reproduits par Piftau, s. d.). Un court exemple, pris au début de la quatrième partie, permettra de juger de la nouveauté du ton : « Apran a morir, si sauras vivre. Car nuns bien vivre ne seura, qui a morir apris n’aura. Et cil est a droiz apelez chaitis, qui ne set vivre, ni morir n’ose. Si tu vuez vivre franchement,