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preintes d’un vague socialisme, se rapportent toutes à un temps qui est celui des premiers progrès de la démocratie ; elles n’en sont, à vrai dire, que la face religieuse. Contemporaines des grandes luttes livrées par les Communes pour la conquête de leurs libertés, elles furent, à leur manière, une réaction contre les mœurs de l’Église féodale. Leur paupérisme hardi décongestionne celle-ci de l’énorme main-morte accumulée entre ses mains. Enfin, leur organisation intérieure, celle d’immenses armées, placées sous l’autorité absolue d’un général[1], leur division en provinces, leurs conseils de guerre ou chapitres périodiques, leur vie mêlée par la prédication à celle de la foule, leurs profondes réserves d’affiliés laïques, hommes et femmes de toutes les classes, n’étaient pas dans l’Église une moindre innovation. Les Ordres Mendiants du XIIIe siècle apparaissent ainsi comme une des formes les plus originales du monachisme, dont le caractère essentiel est l’action populaire. Aucun produit religieux n’exprime mieux certaines circonstances historiques et sociales, ni ne se présente dans le passé avec des traits mieux définis et plus nettement physionomiques.

Ajoutez que les Ordres Mendiants ont suscité pen-

  1. Ce point a été très bien indiqué par M. Jean Guiraud, dans son Saint Dominique (collection « Les Saints », p. 84). Jusqu’au XIIIe siècle, il existait deux « Règles », celles de saint Benoît et de saint Augustin : mais, s’il y avait des couvents suivant ces deux grandes observances, il n’y avait pas, à vrai dire, d’« Ordre » bénédictin ou augustin, c’est-à-dire une collectivité de monastères groupés, non seulement sous une même règle, mais sous l’autorité d’un général unique. « Même les observances, déjà assez centralisées, de Cluny et de Cîteaux, apparaissent, dit M. Guiraud, comme des fédérations de maisons autonomes, beaucoup plus que comme des Ordres. Le Saint-Siège avait été prié de confirmer chaque couvent particulier ; on n’avait même pas songé à lui demander un privilège général pour une collection de monastères formant un tout indivisible. » Il suit de là que les Mendiants ne sont pas proprement des « moines », comme les Augustins et les Bénédictins ; on ne devrait les nommer que des « religieux ». Mais cette nuance est un peu subtile, et le langage courant ne l’a jamais observée.