Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marmion, au musée de Berlin, nous montre les galeries d’un cloître le long duquel se déroule une danse macabre. Deux badauds se promènent et causent sous les arceaux. Leur ombre paisible essuie la muraille éloquente. C’est ainsi qu’on se figure la rêverie de Villon interrogeant les crânes du cimetière des Innocents, et rimant ses stances immortelles.

La Danse macabre des Innocents nous est surtout connue grâce à un imprimeur, Guy ou Guyot Marchand, « demeurant au Grand Hôtel du collège de Navarre en Champ Gaillard, à Paris », lequel eut l’idée de la publier, en bloc, texte et figures, à la fin du xve siècle[1]. Ce fut une idée de génie. Son livre fut cent fois réimprimé ou contrefait au xvie siècle. De la première édition, datée de 1485, il n’existe qu’un exemplaire conservé à Grenoble. Elle est formée de trente couples d’un mort et d’un vivant. L’édition suivante, parue six mois après, comprend six nouveaux couples. Il n’y a encore que des hommes, du Pape jusqu’au Sot qui termine la série. La même année, l’ingénieux imprimeur s’enhardit à faire l’autre sexe : il lança la Danse des femmes.

Celle-ci a peu d’intérêt. C’est une composition littéraire et artificielle. Elle n’est qu’amusante[2] L’autre est

    fresque, fut décrété par Louis XIV en 1669. Mercier (Tableau de Paris, t. I, p. 266 et suiv.) est le dernier témoin qui ait décrit oculairement la vénérable nécropole. Il n’en subsiste plus que les arcades du charnier de la Ferronnerie, épargnées à cause des maisons qu’elles supportent, et d’ailleurs entièrement remaniées et méconnaissables. Cf. Dufour, loc. cit. ; Lenoir, Statistique monumentale de Paris.

  1. Deux manuscrits de Saint-Victor (B. N. lat. 14.904, franç. 25.550) nous donnent les inscriptions de la Danse macabre : « Prout sunt aput Innocentes Parisiis ». Ce sont les « escriptures pour esmouvoir les gens à devocion », dont parle Guillebert de Metz. Ce texte est identique à celui de Guyot Marchant. Il y a donc toutes les chances pour que l’imprimeur, en publiant les vers, ait pris en même temps les figures. Le graveur s’est contenté de les rajeunir un peu et de mettre les costumes à la dernière mode. Cf. Dufour, loc. cit., p. 86 ; Mâle, p. 394.
  2. Le texte est de Martial d’Auvergne. Un autre texte, inédit, de la Danse