Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/242

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le spectacle commençait ; au rythme que donnait un sonneur de vielle placé au pied de la chaire, des figurants, qui incarnaient tous les âges et toutes les conditions de la vie, grandeur, pouvoir, science, jeunesse, amour, enfance, passaient en se lamentant et disparaissaient tour à tour devant le geôlier inexorable ; le défilé fini, le prédicateur concluait et tirait la morale. Ce scénario sent d’une lieue la manière des Mendiants. Ce n’est pas par hasard que tant de danses macabres (à Bâle, par exemple) se trouvent dans le voisinage de couvents dominicains[1]. Nous savons qu’à Besançon, en 1453, les Cordeliers avaient organisé cette danse en réalité[2]. Quant au nom de « macabre », qui a tant exercé la sagacité des philologues, il vient tout bonnement du latin, comme l’avait vu du Cange : c’est la Macchabeorum chorea, la danse des Macchabées, dont le bréviaire fait mémoire dans l’Office du 1er août[3]. L’ignoble terme d’argot qui désigne un noyé a conservé intacte la métaphore originale.

    s’enroule le serpent, manger le fruit défendu ; la mort est entrée dans le monde. Et la Danse macabre commence.

  1. Il y avait dans cette ville deux Danses macabres : l’une (avant 1437) chez les Dominicaines de Klingenthal, l’autre (1441) au Petit-Bâle, dans le cimetière des Dominicains. — De même à Strasbourg (1463), Berne 1515), Landshut (Bavière, 1525), Constance (1588), etc.
  2. Du Cange, Supplément. — Rapprocher le passage du Bourgeois de Paris : « Item, l’an 1429, un cordelier nommé frère Richart preschait… aux Innocents, et estoit monté quand il preschoit sur un hault eschaffault, qui estoit près de toise et demie de hault, le dos tourné vers les charniers, encontre la Ferronnerie, à l’endroit (en face) de la Danse macabre ». Il y a dans le vieux poème un vers très significatif. La Mort qui emmène le Cordelier lui dit :

    Souvent avez presché de mort.

    C’est le prédicateur de la Danse macabre qui entre lui-même dans la danse. Mâle, loc. cit., p. 392. — Les vers de la Danse de Londres, peinte en 1339, dans le cloître Saint-Paul, sont l’œuvre du cordelier Lydgate, qui se borna à traduire la Danse macabre des Innocents. Monast. anglic., III, 367.
  3. En hollandais, Makkabeus danz. L’Église, aux messes des morts, dans ses prières pour les défunts, récitait ce verset du livre des Macchabées (XII, 13) : « Sancta ergo et salubris est cogitatio pro defunctis exorare ut a peccatis solvantur ». Mâle, p. 390.

    La Légende dorée (ch. cix) observe que l’Église romaine ne célèbre que