Le cortège des vivants se succède et entre dans la danse selon la hiérarchie et les préséances rigoureuses d’une société bien réglée : l’Église et le monde, un clerc et un laïc, le Pape et l’Empereur, le cardinal et le roi, se suivent et se répondent avec une symétrie parfaite ; il va de soi que le médecin, l’avocat et le grammairien comptent pour clercs. Quant au mort qui les accompagne et mène le branle, qui est-ce ? Est-il « un » ou plusieurs ? Est-ce le même personnage trente fois répété, ou sont-ce trente morts différents, aussi diversifiés que les vivants eux-mêmes ? Est-ce la Mort, ou sont-ce les morts ? Il y a là une nuance assez difficile à fixer, et probablement variable. Le français, l’allemand, disent Danse des morts ; mais l’anglais, l’espagnol disent Danse de la mort. Dans ce dernier cas, la Mort personnifiée est le bourreau qui fait l’appel d’une liste de condamnés ; on répète sa figure pour la commodité de la représentation. Dans le premier cas, la mort (ou mieux, le mort) est quelque chose de plus intime et de plus individuel : c’est le « double », la figure que nous serons un jour, le compagnon mystérieux qui nous tient de plus près que notre ombre, celui que nous portons dans les moelles, — l’ « autre », le second « moi », ou plutôt le « moi » authen-
deux fêtes de martyrs de l’Ancien Testament : celle des saints Innocents, parce qu’en chacun d’eux le Christ fut mis à mort, et celle des Macchabées, propter repraesentationem mysterii, parce que le nombre sept représente le « tout », le nombre indéfini, et qu’ainsi les sept frères signifient tous les saints de la première Alliance. C’est peut-être là le rapport tant cherché entre le nom des Macchabées et l’idée générale de la mort.
Notez d’ailleurs, dans la liturgie de juillet, la fréquence des fêtes collectives : le 10, les sept fils de Félicité (Leg. Aur. ch. xci), le 18, les sept fils de Symphorose (Cf. Dom Guéranger, L’année liturgique ; Le temps après la Pentecôte, t. IV, 1893, in-16, p. 75 et 174 ; le 1er août, les Macchabées. — La Danse macabre de Besançon signalée par du Gange fut exécutée le 10 juillet 1453. Ne s’est-il pas produit entre ces trois septénaires une sorte d’attraction au profit du plus célèbre et du plus représentatif ? Cf. Künstle Die Legende der drei Lebeden und der drei Toten…, Fribourg, 1908, p. 79, 80 ; Hagiographische studien über die Passio Felicitatis cum VII filiis. Paderborn, 1894.