Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/291

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Magnificat… Quand on eut fini, la Vierge l’invita à chanter le verset : « O Verlis rosula, ô jeune rose du printemps ». Il obéit, et voici que trois ou quatre anges unirent à lui leurs voix qui surpassaient toute musique. Il ne put supporter tant de bonheur et revint à lui… »[1]

« Ô ma sainte et charmante Amie, lui écrit-il encore, soyez la Pâque fleurie, le riant été de mon cœur… Enchantez mes nuits de vos grâces : accordez-moi une de vos couronnes, tressez-moi une belle guirlande, parez mon âme de vos mérites et de vos vertus. »

Et de chaque couvent, de chaque repli de la solitude, avec le battement de la cloche à l’aube ou dans le crépuscule, s’exhale chaque jour un nouveau chant de tendresse. Rien n’égale l’immense douceur de cette monotone antienne. La Vierge peuplait l’univers. Elle remplissait les siècles. Elle était l’immortelle amante du Cantique. Tous les parfums de la Sulamite, les baumes, les aromates, la myrrhe, le nard, le cinnamome, composent à sa personne une atmosphère d’ivresse. On la compare à tout ce qui charme, à tout ce qui luit, à tout ce qui s’élève, à la fleur, au rayon, au miel, au chant de l’oiseau. Elle est la grâce, la lumière, l’étoile du matin, le sourire de l’aurore. On la retrouve sur la terre, où elle était l’herbe des champs et le lys des vallées.

Mais cette poésie ne reste pas dans les cloîtres : les images la mettent à la portée des foules. Si la fleur du tylé ne se fane jamais, si la cavale conçoit des souffles de la brise, si Danaé enfante le fruit d’une pluie d’or, si la licorne accourt se prendre au sein d’une pucelle, — pourquoi ne serait-il pas vrai qu’une Vierge ait mis au monde ? Il faut voir le livre étonnant du dominicain Franz de Retz, sa Défense de virginité inviolée de Marie, où il

  1. Œuvres du Bienheureux Suso, trad. Cartier, p. 17 et 26.