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Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/321

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lesquels on montait au propylée du temple. Cet édifice, par les morsures du temps, les ravages de l’abandon et de la vétusté, gisait, çà et là démoli, sur la terre humide, amas de colonnes immenses en pierre persique aux granulations roses, sans chapiteaux, n’ayant qu’un fût décapité et alternant avec d’autres colonnes en marbre mygdonien. Quelques-unes avaient les joints brisés ; on ne leur voyait plus ni base, ni frise, ni astragale. J’en contemplai encore d’autres faites en airain avec un art admirable, telles que n’en possédait point le temple de Gadés. Mais tout cela était abandonné en plein air, attaqué par la moisissure et par la vétusté[1].

Ai-je besoin de faire sentir la beauté d’un pareil morceau, et comme il s’en dégage la double mélancolie, le romantisme confus de la nature et des ruines ? Noblesse du paysage et grandeur du décor, regret des mondes anéantis, rêverie qui monte des décombres ; indifférence de la vie qui continue sur des tombeaux, et fait pousser des mousses là où furent des hommes ; piété nouvelle pour les saintes reliques du passé, étonnement où nous jette la vue des œuvres d’autrefois, prestige des lointains, nostalgie de ce qui n’est plus, désir de remonter les âges, — n’y a-t-il pas de tout cela dans cette grande élégie monumentale ? Ainsi Mantegna, dans son Saint Sébastien du Louvre, auprès du chapiteau brisé fait naître une pieuse acanthe et, devant le désastre des Colisées romains, rêve de l’humanité qui s’était élevé ces demeures magnanimes, qu’aujourd’hui déshonorent nos générations de pygmées. — Tel est le premier livre, et le plus important du poème. Le second est plus court, et aussi moins intéressant. À la prière de Vénus, Polia fait le récit des origines de Trévise, et commence l’histoire assez pâle de ses amours. Là-dessus le songe

  1. Trad. Claudius Popelin, t. II, p. 24.