Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/370

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cants. Pour assurer le respect de ces décisions, le saint concile défend de placer ou de faire placer dans aucun lieu, et même dans les églises qui ne sont point soumises à la visite de l’ordinaire, aucune image insolite, à moins qu’elle n’ait été approuvée par l’évèque »(1563).

C’était là un simple rappel du droit ecclésiastique. Mais les circonstances lui donnaient la force d’une restriction très étroite. En fait, en tant que l’art est fils de l’esprit humain et relève de la morale, aucune œuvre, même profane, ne devait échapper au nouveau règlement. Qu’on parcoure le traité du Mobilier religieux, de saint Charles Borromée[1], ou le livre de son neveu le cardinal, le héros populaire des Fiancés de Manzoni : on verra qu’il s’en fallut de peu que les libertés, les conquêtes artistiques de trois siècles ne fussent sacrifiées[2]. Le plus curieux est que ce cardinal Borromée était un amateur : il avait une collection, mais rien n’y entrait que dûment baptisé, consacré et exorcisé ; une déesse de Raphaël est changée en sainte Madeleine, et l’Hercule Chigi se voit convertir en saint Matthieu. C’est le même procédé que les papes d’alors, le Dominicain saint Pie V et le Cordelier Sixte-Quint appliquaient en grand aux vestiges de l’ancienne Rome. La Minerve du Capitole, une croix à la main, devient une figure de l’Église triomphante. Les colonnes trajane et antonine sont surmontées des statues de saint Pierre et de saint

  1. De ecclesiastico supellectili, Milan, 1571. Il condamne expressément, dans la représentation des saints, l’usage du portrait ou du modèle vivant. « In illis autem sicut sancti, cujus imago exprimenda est, similitudo, quoad ejus fieri potest, referenda est, ita cautio sit, ut ne alterius hominis viventis, vel mortui effigies de industria repraesentetur ». Dans les peintures, il veut le sérieux des accessoires : pas de fantaisie, pas d’animaux, excepté quand le texte l’exige clairement ; pas de paysages, pas de verdures, rien pour le plaisir, l’imagination, les sens.
  2. Federici cardinalis Borromæi Archiep. mediolan., de Pictura sacra libri duo, Milan, 1634, in 4°. Cf. Rio, De l’Art chrétien, 1874, t. III, p. 299 et suiv.