Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/372

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même temps, il soumet les œuvres de l’art ecclésiastique à un contrôle minutieux. Le second et le troisième livres, où il passe au crible les représentations de Jésus, de la Vierge et des saints, sont les plus significatifs. C’est un massacre de toute la poésie du moyen âge. Des beaux mensonges chéris du peintre et du sculpteur, combien résistent à cette enquête ? C’est une fable que la princesse délivrée du monstre par saint Georges ; c’est un mythe que l’histoire de saint Christophe portant sur son épaule l’Enfant Jésus. Tout cela ne repose que sur des confusions, des méprises et des interprétations douteuses. La Légende dorée tout entière apparaît comme un conte vieillot, un radotage de bonne femme. L’Évangile lui-même a besoin d’être échenillé, débroussaillé de la parure parasite qu’y avait ajoutée la rêverie des siècles ; toute la végétation folle, la flore des lichens et des mousses, la rouille souriante qui enveloppe les cathédrales et leur donne l’air de la vie, le velouté de l’épiderme, dut disparaître dans une opération impitoyable de ravalement. On abat les nids de corneilles qui chantaient autour des clochers ; on arrache l’arbuste qui avait pris pied à l’aventure entre deux pierres, car on apprend que ce luxe charmant menace la construction, descelle peu à peu les blocs et hâte sourdement la ruine.

C’est fini désormais des additions ingénieuses que l’affection des foules avait cru pouvoir faire impunément au texte sacré. On n’écrira plus rien en marge de l’Évangile. On ne lira plus entre les lignes. On ne prêtera plus à la Vierge de maternelles faiblesses. On ne couronnera plus Madeleine, comme une folle Ophélie, de coiffures exquises et apocryphes. L’âge du sentimentalisme, de l’imagination, de la légende finit, celui de la critique et de la raison commence.

Peut-on laisser sans regret tomber dans le passé ce