Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour en rejeter la composition après la mort du maître, puisque cette circonstance ne fut publiée qu’après lui. Mais il y en a une où ils manquent, et dont on a pu croire qu’elle était un portrait décidément irrécusable, nous offrant avec certitude l’aspect réel du saint d’Assise. C’est le saint François sans nimbe, sans plaies et sans stigmates, le capuchon conique relevé sur la tête, en longue tunique grise de nuance douteuse, la corde autour des reins, qui se présente à droite à l’entrée de la chapelle Saint-Grégoire, au couvent de Subiaco ; il tient un papier à la main, où se lisent ces mots, son salut ordinaire : « Paix à cette maison ». Et une inscription, placée près de la tête, le désigne simplement par le nom de « frère François », Frater Franciscus.

Il y a là un ensemble de particularités spécieuses, et l’on est tout prêt à admettre qu’on se trouve en présence de l’image véridique et toute vive de saint François. Cette image prendrait alors une importance exceptionnelle, en raison du modèle et par ce fait qu’elle serait le plus vieux portrait du moyen âge. Elle daterait de 1222 ou de 1223, un an ou deux avant l’Alverne, époque où l’on pense que le saint a visité la région. Un artiste inconnu (tous ceux qu’on nomme sont impossibles) aurait été chargé de fixer les traits du visiteur. Et la tête, en effet, avec ses lèvres parlantes, ses yeux asymétriques, sa barbiche roussâtre, ses narines mobiles, son apparence nerveuse et douce, légèrement frémissante, offre quelque chose d’imprévu qui tranche sur l’atonie, la morne stupeur de l’art du temps. Le trait est plus physionomique, le dessin plus aigu : on sent un effort presque heureux pour exprimer la vie. Et cependant ce n’est qu’un souvenir et un reflet. M. Hermanin, l’historien des fresques de Subiaco, a établi que la chapelle a été décorée en 1228 ; on n’a pas lieu de