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LES BOHÉMIENS


« Ut jata trahunt… »


Dans des chars entourés de toile et de feuillage,
Harassés, poussiéreux et las infiniment,
Ils sont venus, ce soir, jeter leur campement
Au détour de la route où finit le village.

Des bagues pleins les doigts, des chaînes d’or au col,
Les femmes, le front ceint d’un mouchoir à rayures,
Se drapent dans un châle aux larges déchirures ;
Autour d’elles, des enfants dorment sur le sol.

D’autres, plus turbulents, folâtrent dans l’eau vive
D’un ruisseau sinueux courant à travers champs,
Comme de jeunes faons encore trébuchants,
Et dont les bramements, parfois, peuplent la rive.

Bronzés, la cigarette aux lèvres, sans chapeau,
Les hommes, torse nu, pansent leurs haridelles
Qui vont broutant le long des talles de cenelles :
Des tatouages bleus aux bras marquent leur peau.